Dans les Hauts-de-France, des paysans ont réintroduit la culture de blés anciens et redonné vie à sa filière, du champ à la boulangerie en passant par le moulin.
Ce choix revivifie les valeurs humaines et écologiques de l’agriculture paysanne.
Parmi eux, Didier Findinier a repris, voici plusieurs années, la ferme de ses parents à Campagne-les-Boulonnais, dans le Pas-de-Calais. Très vite attiré par l’agriculture biologique, il a effectué en 2009 un voyage au Burkina Faso afin de rencontrer des paysans ayant adopté les techniques de culture transmises par Pierre Rabhi. Il a ainsi vu les rendements de ces terres africaines tripler grâce à la traction animale, le compost et une intelligente gestion de l’eau. Membre de la Confédération paysanne, il crée en 2012 l’Adearn (l’Association pour le développement de l’emploi agricole et rural dans le Nord de la France), inscrite au sein de la Fadear, fédération des Adear, chargée d’assurer une formation professionnelle aux futurs paysans. « Nous nous sommes appuyés sur l’Adearn pour lancer la filière de blés anciens biologiques, précise Didier Findinier. Il fallait que cela reste entre les mains des paysans, car certains politiques ne comprennent que partiellement leurs initiatives. » Pourquoi se consacrer à la culture des blés anciens ? En raison de leurs qualités, d’abord.
Les semences de blés modernes ont été conçues pour répondre aux exigences nouvelles des boulangers qui souhaitent travailler une pâte dont la levée est plus rapide.
Avec les blés modernes, la molécule de gluten a été considérablement augmentée et par voie de conséquence de nombreux consommateurs ont développé des allergies. En revanche, le gluten du blé ancien est beaucoup plus digeste.
Les blés anciens présentent cette caractéristique de développer de grandes tiges (jusqu’à 1,70 m) contrairement aux blés modernes, qui ont été nanifiés de manière à ne pas se coucher lors des épisodes orageux et de garantir ainsi rendements et revenus.
Beaucoup plus hauts, ils étouffent les mauvaises herbes et suppriment de fait l’usage des herbicides qui constituent une charge non négligeable pour les agriculteurs conventionnels.
« Avec mes blés anciens, je fais la nique à Monsanto ! » sourit Didier Findinier.
Certes, les grains de blé ancien sont moins nombreux et la paille en est plus abondante. Si celle-ci n’est pas vendue, elle peut néanmoins participer à la fabrication de l’humus.
Notre paysan a adopté très tôt sur ses parcelles la technique de l’agroforesterie.
Une rangée d’arbres, d’essences nobles, destinés à l’ébénisterie dans les prochaines années ou au chauffage domestique, borde le champ. Elle est doublée d’une haie champêtre, qui offre ombre et fraîcheur lors des fortes chaleurs, protège les blés du vent, mais aussi des pesticides pulvérisés sans vergogne par les producteurs conventionnels voisins.
De plus, les arbres enrichissent les sols en leur apportant chaque année de nouvelles matières organiques.
Une seconde haie champêtre est également plantée parmi les blés qui, selon les dires de leur propriétaire, n’ont jamais été aussi beaux.
La première récolte eut lieu en 2012 et depuis, une dizaine de paysans, membres de l’Adearn, se sont lancés dans cette culture. Les farines issues de ces blés sont testées par plusieurs boulangers des départements du Nord et du Pas-de-Calais. Les rendements, entre 35 et 40 quintaux à l’hectare seulement, sont inférieurs à ceux des blés modernes (facilement 80 quintaux à l’hectare).
Mais ce qui est prioritaire c’est d’offrir à nouveau de la qualité aux consommateurs. L’aliment doit redevenir un médicament !
Source :
Didier Harpagès pour Reporterre