Dans cette illustre maison, la discrétion est de rigueur et il faut sacrément insister pour en savoir un peu plus sur les méthodes de travail.
(portrait du baron Eric de Rothschild)
Jean-Luc Vincent, directeur du marketing et du développement a néanmoins accepté de répondre à quelques questions…
Jean-Luc Vincent, vous ne communiquez absolument pas sur les travaux portant sur le développement durable entrepris dans vos vignobles, pourtant c’est tout à votre honneur.
C’est vrai, nous sommes discrets, en fait, cette action nous semble évidente.
Le Baron Eric de Rothschild (notre président) ainsi que Christophe Salin (notre directeur général) ont une devise: « nous ne mettrions pas sur le marché des vins que nous ne boirions pas », c’est simple et explicite.
Notre logo est une garantie pour le consommateur, nous devons être très exigeants avec nous-mêmes… Pour nous, ces questions ne sont pas nouvelles, la terre, c’est notre outil de travail, et la transmission du savoir-faire, notre patrimoine, donc depuis toujours, nous sommes attentifs à un développement en harmonie avec notre environnement.
Vous faites des vins dans le monde entier, l’envergure de ce que vous entreprenez, les études que vous menez pourraient aider des petits vignerons, soucieux du même problème.
Bien sûr, mais les enjeux, pour une maison comme la nôtre, ne sont pas uniquement liés à l’environnement, ils sont également économiques et sociaux.
Nos questionnements et nos expérimentations nous sont propres, ils ne sont pas transposables.
Chaque vigneron doit faire son propre chemin en fonction de ses valeurs et de sa situation personnelle. Mais nous sommes évidemment toujours ouverts pour en discuter librement.
Nous avons mis en place une méthodologie sur mesure, nous sommes dans l’expertise énergétique, ça concerne donc tous les postes.
Vous avez des exemples ?
Aujourd’hui, nos principales initiatives techniques sont l’arrêt total de tout désherbage chimique à brève échéance, et la réduction des traitements phytosanitaires avec le concours de nouvelles technologies (capteur de vigueur, stimulateurs de défenses naturelles… mais également plus de temps consacré à l’observation …)
Par exemple, à Château Rieussec les doses de traitement sont ajustées à la vigueur de la vigne. Cette vigueur est mesurée par des capteurs évaluant la quantité de feuillage de chaque pied. Reliés à un GPS, ces capteurs placés sur le tracteur permettent de cartographier le vignoble! Un programme d’expérimentation est défini chaque année pour évaluer les nouvelles avancées, l’objectif est d’alimenter un référentiel de bonnes pratiques qui nous soit propre.
Autres sujets de travail sur chaque site, la conformité réglementaire qui nécessite une veille régulière, les consommations énergétiques qui sont disséquées au travers de diagnostics complets, la gestion des déchets qui a fait l’objet d’une remise à plat. Sur tous ces sujets, mieux vaut prévenir que guérir, nous mettons d’ailleurs en place une cartographie de nos risques pour mieux les gérer.
Sur les questions plus économiques, nous travaillons sur nos emballages en collaboration avec nos fournisseurs pour valider nos choix et réduire nos impacts (bouteilles allégées, optimisation des formats de caisses…), nous développons la dématérialisation des échanges de documents avec nos clients et fournisseurs, et nous avons mis en place des indicateurs Développement Durable qui nous permettrons bientôt de communiquer plus facilement sur nos initiatives s’il y a besoin.
Sur le plan social, diverses initiatives en matière de Ressources Humaines ont été adoptées ou planifiées. Ce que je peux dire c’est que la démarche Développement Durable accélère les prises de conscience, fédère les initiatives, et resserre les liens. Tout le monde se sent concerné, du président à aux assistantes en passant par les vignerons et les commerciaux. C’est une vraie dynamique de progrès pour nous. Une charte d’engagement Développement Durable a d’ailleurs été signée par le Baron Eric de Rothschild, notre président, et Christophe Salin, notre directeur général, pour bien démontrer que cette préoccupation est intégrée dans tous les projets de l’entreprise.
Enfin, je ne veux pas oublier notre projet qui sera le plus visible à terme, une unité photovoltaïque de 15 ha sur le site de notre vignoble d’Aussières en Languedoc, en cours d’études de qualification.
La prise de conscience de l’importance et de l’urgence que nous avons du problème fédère la bonne volonté en interne, chacun reste vigilant, ça permet de resserrer les liens au sein de l’entreprise.
Les mauvaises habitudes sont pointées du doigt, il ne s’agit évidemment pas de délation , tout le monde se sent tout simplement concerné, d’une secrétaire à une femme de ménage en passant par un commercial ou un vigneron. C’est vraiment formidable.
Votre avis sur l’agriculture bio et la biodynamie ?
Nous avons toujours été en pointe en matière d’agriculture raisonnée, mais c’est vrai qu’aujourd’hui l’agriculture raisonnée ne nous convient pas complètement.
Nous expérimentons et adoptons les pratiques « biologiques » dès lors qu’elles sont pertinentes mais nous ne sommes pas des extrémistes. Nous ne sommes pas convaincus que le bio dans son cadre actuel soit LA réponse. Par exemple nous nous posons des vraies questions sur le recours au cuivre pour combattre le mildiou, le cuivre s’accumule dans le sol à très long terme, c’est une bombe à retardement en matière d’environnement.
Nous sommes aujourd’hui davantage à l’écoute d’une écologie « scientifique », c’est-à-dire une approche scientifique et technologique des problèmes complexes auxquels nous faisons face pour trouver des solutions écologiques.
Vous voyez, nous ne parlons pas beaucoup, mais nous agissons.
Domaines Barons de Rothschild,( Lafite)
www.lafite.com