L’autre Médoc

Bouquet de fruits rouges et de vanille, une tentation de la rondeur et une élégance ontologique, les vins de l’appellation affirment avec talent une vraie tradition bordelaise. A découvrir d’urgence, les derniers millésimes sont superbes et les prix ont conservé le sens de la mesure.

Au-delà de Saint-Estèphe en allant vers le Nord, le Médoc se déboutonne. Une terre bien lustrée, les châteaux qui prennent des airs de théâtre, la présence luxueuse des Crus Classés laissent la place à un pays plus vrai, plus authentique. La vigne se fait moins présente, elle cède la place aux garennes, aux prés colorés par les blondes d’Aquitaine et aux palus, ces terres basses argileuses où s’accrochent les brouillards. « Nous sommes tous des insulaires » clament les vieux vignerons. Ici la terre est précaire, elle fut conquise de haute lutte par les Hollandais qui asséchèrent les marais, faisant du Médoc un pays de fossés, de chenaux et de terres humides. Et puis, il y a la Gironde, la Rivière comme disent les gens d’ici. Prenant de l’ampleur, elle colore les paysages de ses eaux limoneuses en prenant l’allure des grands fleuves tropicaux. La Maréchale, By, Goulée, Richard, des petits ports de pêcheurs de crevettes et d’aloses qui jalonnent les berges apportent une touche décalée au Médoc des vins. Ici, le ciel semble plus grand qu’ailleurs. L’été, la Gironde se fait miroir, elle dilate la lumière, met le bleu en lévitation et incidemment invite à cingler vers l’ouest et l’aventure.
L’appellation Médoc pose un problème. Le nom prestigieux et évocateur se confond en effet avec la terre des grands châteaux du sud, de Margaux, Saint-Julien et Pauillac. Pourtant, c’est une région très précise qui commence au chenal de la Maréchale, à la lisière de Saint-Estèphe pour finir à Saint-Vivien-du-Médoc dans un vignoble qui joue à saute-mouton avec les collines. Prenant la forme d’une flèche ardente pointant vers l’océan, l’appellation Médoc décline une étonnante diversité de sols comme si la terre avait été passée à la moulinette. Si le vignoble semble partir dans tous les sens, il suit tout de même trois grandes directions qui permettent de clarifier les choses. Le long de la Gironde du côté de La Tour de By et de Greysac, des graves pyrénéennes reposant sur des alluvions composent un terroir favorable au cabernet-sauvignon. A l’est, la butte de la Cardonne qui pousse jusqu’à Ordonnac présente des sols argilo-calcaires donnant des vins puissants comme Potensac et Tour Haut-Caussan. Autour de Couquèques, il existe enfin un plateau calcaire farci de fossiles où le merlot façonne des vins fins et élégants. Dernière singularité de ce vignoble nordiste, la commune de Jau-Dignac et Loirac, trois grosses collines souvent graveleuses qui furent d’anciennes îles au temps où la Gironde n’était pas encore domptée. Au total, la vigne couvre plus de 5700 hectares et produit en moyenne 300 000 hectolitres par an. C’est la plus grande appellation du Médoc géographique

Le Nord n’a jamais eu bonne réputation en matière de vins. Longtemps, l’appellation s’est appelée « bas-médoc » ce qui n’était guère mieux, les vignerons ne voulant pas se trouver en situation inférieure. L’éloignement de Bordeaux a fait du Médoc un « pays de mission », une terre où tout était possible. Quelques pionniers ont marqué l’histoire du vignoble en façonnant l’âme des vins. Au sommet, le château Potensac de Michel Delon, le propriétaire de Léoville Las Cazes avait ouvert la voie en donnant du prestige à l’appellation. Dans les années 1960, Marc Pagès, homme débonnaire et clairvoyant a eu l’intuition d’un formidable terroir de graves pour faire de La Tour de By, une des références de Bordeaux et du bordeaux et Philippe Courrian a toujours su tirer d’un terroir modeste, une des plus belles expressions de l’appellation médoc. Plus récemment, Jean Guyon a étonné les amateurs avec son Rollan de By, un rouge ambitieux et qui illustre parfaitement la modernité bordelaise.
Et puis, il y a tous les autres… Le vignoble septentrional apparaît comme l’appellation qui grouille de bonnes affaires. La transmission et le passage des générations ont donné de l’ambition au vignoble. Misant sur le merlot, travaillant les sols, surveillant les rendements, pratiquant des élevages judicieux, de jeunes vignerons montent au créneau. Bonne nouvelle,  les vins de l’appellation médoc se portent bien. La qualité des vins est en hausse et la réforme de l’agrément longtemps réclamée par les vignerons est allée dans le bon sens. Autrefois, inscrire le nom « médoc » sur l’étiquette était une simple formalité, une dégustation laxiste sur un échantillon représentatif du domaine et le tour était joué. Avec la réforme intervenue en 2004, presque une révolution, les choses ont bigrement changé. Les nouvelles procédures, avec des contrôles de qualité à la cuve et à la mise en bouteilles qui ont été mises en œuvre, le nombre de refusés a été multiplié par cinq. Une vraie mutation qui a conforté la réputation des médocs et rassuré les consommateurs.
« Un vin mâle et vif, direct et pourvu d’une bonne finale » disait-on du médoc. Les choses ont évolué, le merlot se faisant plus présent, les vins affichent plus de rondeur, plus de fruits et plus de sensualité. Bien entendu, les tanins récurrents de la tradition sont toujours présents mais une maturité plus accomplie leur a donné de la finesse et de l’élégance. Puissants et corsés sur les graves, fins et élégants sur les sols argilo-calcaires, ils illustrent une longue histoire en décrivant une culture emblématique de la vigne et du vin, celle de Bordeaux. Et l’avenir immédiat est radieux avec un millésime 2005 qui marquera la mémoire.
 
 
 
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À consommer avec modération.

NOS BONNES ADRESSES

Château Potensac

Voilà un demi siècle que ce domaine de la famille Delon tient le haut de l’affiche de l’appellation. Bien en chair, le 2008 ne viendra pas ébranler la légende. Il apparaît généreux et profond, équilibré et complexe. 33340 Ordonnac tél 05 56 73 25 26.
 

Château Rollan de By

L’incroyable réussite du domaine doit tout à Jean Guyon. Il a opté pour la rondeur et le gras du merlot pour définir un style qui mêle tradition et classicisme. Rollan de By 2008 exprime la gourmandise par un fruit précis et intense et la très ambitieuse cuvée Haut-Condissas est devenue une référence par sa profondeur et sa complexité. 33340 Bégadan tél : 05 56 41 58 59.
 

Château Tour Haut-Caussan

Défenseurs du style classique, Philippe et Fabien Courrian tirent le meilleur parti de leur terroir. Le 2008 en apporte une magnifique démonstration avec son nez de fruits rouges, son fruité tendu et gourmand, sa structure élégante et son harmonie. 33340 Blaignan tél : 05 56 09 00 77.
 

Château Greysac

Qualité et régularité dessinent l’image de ce bourgeois intègre. Avec un équilibre remarquable, le 2008 s’affirme comme une réussite. Il combine rondeur, fraîcheur et tanins délicats pour composer un ensemble qui illustre un heureux classicisme. 33340 Bégadan tél : 05 56 73 26 56.
 

Château La Tour de By

La plus croupe de graves de l’appellation forge le caractère de ce rouge à l’image toujours flatteuse. La parité cabernet-merlot donne de l’allure à un rouge qui joue joliment sur le fruit et les épices, la bonne maturité et l’élégance. 33340 Bégadan tél : 05 56 41 50 03.
 

Château Garance Haut-Grenat

N’hésitez pas et commandez la cuvée Garance Haut-Grenat qui affiche la couleur de son nom. Dans le 2008, le mariage fruit-bois est particulièrement réussi. Attaque généreuse, densité, puissance, harmonie, gourmandise et finale racée, tout y est. 33340 Bégadan tél : 05 56 41 37 61.
 

Château d’Escot

Une terre de graves qui voit la rivière façonne le tempérament de ce vin marqué par le cabernet sauvignon. Un rouge classique et ambitieux qui séduit par son nez généreux et surtout son allure : il mise sur l’équilibre et l’élégance pour dessiner le plaisir. Le 2005 est aujourd’hui à maturité. 33340 Lesparre-Médoc tél : 05 56 41 06 92.